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le blog politique d'ousmane ndiaye
27 juillet 2011

"Peuple debout, peuple uni" par serigne mansour sy djamil

La journée du 23 Juin 2011 restera une date historique qui illustre qu’un peuple debout est, toujours, un peuple victorieux, un peuple béni. La loi constitutionnelle, qu’Abdoulaye Wade a voulu nous imposer, a été défaite par une forte mobilisation à l’échelle du pays devant laquelle le Président n’avait d’autre choix que de la retirer. Belle victoire, victoire touchante. Victoire fragile. Il convient de percevoir, sans se tromper, les vrais enjeux qu'ouvre la nouvelle situation.

En ce mois de Juin 2011, les questions principales auxquelles le peuple sénégalais doit répondre sont de deux ordres :

  • Saisir la nature profonde de la crise que connait le Sénégal et celle du régime qui l’a engendrée,
  • Organiser le départ imminent d’Abdoulaye Wade pour sortir de cette crise.

L’Alternance, de par son incurie économique, son impéritie sociale, la mal gouvernance, la corruption et la spéculation foncière, a créé une situation qui a bloqué le pays dans tous les domaines. Pour remettre le Sénégal en ordre de marche, il convient d’identifier les forces sociales qui peuvent contribuer au départ de Wade. Comment faire pour rassembler ces forces ? C’est l’exigence du moment.

I- LA NATURE DU REGIME ET LA CRISE QU’IL A ENGENDREE :

Comme je l'avais écrit en Décembre 2009, dans un article intitulé « Dafa dooy, na deem » : « la tension qui sévit au Sénégal est le produit de la démesure, de la détestable et insupportable présidence libérale évanescente et bornée, aveuglée par sa puissance et ignorante de ses limites et de ses faiblesses, sans foi ni loi autres que la cupidité et le cynisme ». C’était dans le contexte des attaques injustes contre la Communauté chrétienne. Abdoulaye Wade avait l’écrasante majorité de notre pays contre lui. Cette réflexion sur la démesure, qui était isolée à l'époque, est, aujourd’hui, partagée par beaucoup de sénégalais.

Au cœur de ce qui nourrit la montée de la colère et de la clameur qui a retenti le Mercredi 22 Juin et le Jeudi 23, à la Place de l’Indépendance, à la Place Soweto et dans tout le pays, il y a une prise de conscience des conséquences devenues insupportables des dérives de l’Alternance. Le peuple résiste, l’Etat réprime violemment, comme à Sangalkam, à Mbane et à Kédougou, il y a deux ans...

Pour les démocrates et patriotes sénégalais, qui, encore hier, semblaient résignés à une transmission dynastique du pouvoir, la mobilisation inédite du peuple, le Jeudi 23 Juin et qui se prolonge au moment où j'écris ces lignes, est une nouvelle raison d’espérer. Le peuple est sorti, massivement dans la rue, pacifiquement. Mais la répression a été féroce. Le peuple a fait valoir son droit de manifester pour dénoncer une loi inique et scélérate et la situation trop longtemps intenable de l'électricité. Ne pas permettre une telle manifestation ne laisse aucune issue au peuple. Il y aura un recours à la violence, et cela aucun sénégalais ne le souhaite, vraiment.

Les violences, les morts d’hommes, les blessés pouvaient être évités. Mais le pouvoir en a décidé autrement. Pourtant, il a, piteusement, perdu et va continuer de perdre. Donc, tout cela  pour rien.

Ces manifestations font penser à d’autres pages de l’histoire de triste mémoire. Se pose alors la question suivante : comment l’Etat, devant des manifestations populaires pacifiques, a paniqué, commis l’irréparable, et risque de précipiter sa propre chute? Les centaines de manifestants pacifiques sans armes, sous la conduite du Prêtre Georges Gapone, fauchés un ‘’dimanche sanglant’’ de Janvier 1905 en Russie par les soldats de Nicolas II, les révolutionnaires de Canton et de Shanghai précipités vivants, en 1927, dans les chaudières des locomotives, les manifestations des jeunes de Soweto en Juin 1976 lors desquelles un enfant de 13 ans, Hector Peterson, fut assassiné, les élections de Décembre 1963 dont le bilan se chiffre à 200 manifestants désarmées tués, sur ordre de Senghor, la révolution de Jasmin en Tunisie, la révolution du 25 Janvier en Egypte, «  le printemps arabe » en général : tous ces événements racontent une histoire qui n’appartient pas aux historiens. C’est celle de la mémoire collective : une histoire tragique rythmée par les massacres, une histoire par nature défunte mais toujours digne d’être revisitée et méditée pour servir une histoire à venir. Le point commun de toutes ces manifestations est la volonté de l’autorité d’enrayer la poussée du mécontentement populaire et d’en conjurer la perspective, pour elle effroyable, qui est celle de sa chute. Mais on ne peut vaincre un peuple debout, comme nous le voyons tous les jours à Tunis, au Caire, à Damas, à Sanaa, à Mbane et à Sangalkam, et le Mercredi 22 Juin, à la Place de l’Indépendance et ce Jeudi 23 Juin, à la Place Soweto. Situation qui se répand maintenant, dans tout le pays.

Et comme l’explique l’historien britannique Eric Hobsman : «La révolution française a révélé la puissance du peuple d’une façon qu’aucun gouvernement ne s’est jamais autorisé à l’oublier – ne serait-ce parce que le souvenir d’une armée improvisée de conscrits non entrainés mais victorieuse de la puissante coalition formée par les troupes d’élite les plus expérimentées des monarchies européennes».

La loi constitutionnelle, maintenant défunte, que nous proposait Wade a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Les constitutionnalistes nous ont brillamment éclairés en la matière et ont ils ont souligné la ‘‘paresse cognitive’’ qui a laissé passer dans le texte des termes familiers dans un projet de loi qui est censé être caractérisé par la rigueur sémantique et la précision terminologique. Ils ont largement contribué à son retrait. Mais ce n'est qu'un début, continuons le combat.

Le Gouvernement, contraint par la pression populaire, a accusé une défaite sans précédent. Ce qui monte dans la société, c’est l’idée que cela ne peut continuer ainsi : «dafa dooy, dafa gueuna dooy, na gueuna deem».

Cette «démesure» se manifeste en tout et ne traduit que l’appétence du Président pour le pouvoir personnel, la situation de sujétion dans laquelle il tient l’Assemblée Nationale illégitime, parce que mal élue, ses rêves fous de gloire et de prestige, la peur d’une reddition des comptes devant la Nation une fois qu’il aura quitté le pouvoir. Tout cela le pousse à cette obscène et répugnante impudeur à faire fi de la volonté populaire. Jugeant les sénégalais à son image, il pense que ce pays est un grand supermarché où tout s’achète ou se vend ; il suffit d’y mettre le prix. Cette pensée donne la pleine mesure du mépris que Wade a pour les sénégalais. Ce mépris du peuple qui a déjà perdu des dictateurs plus puissants, dont Ben Ali et Hosni Moubarak, conduira Abdoulaye Wade à une chute inexorable parce que le peuple a décidé de résister. Pourtant, ces deux pays, la Tunisie et l’Egypte regorgent de ressources humaines. Mais les élites prébendières, qui font régner l’ordre social de l’époque des colons jusqu’à celle des néo-colons, ont partout échoué. L’attente messianique d’un homme nouveau que Sartre avait espérée dans la Préface de ‘‘Les damnés de la terre’‘ de Frantz Fanon, ne s’est pas réalisée. Ainsi écrivait-il : « le colonisé se guérit de la névrose coloniale en chassant le colon par les armes ». Et Sartre de préciser : «ce fils de la violence puise en elle à chaque instant son humanité : nous étions hommes à ses dépends. Il se fait homme aux nôtres. Un autre homme : de meilleure qualité».

L’homme nouveau dont parle Fanon, cet ’’autre homme de meilleure qualité’’, ne s’est pas encore réalisé. Certes Fanon avait mis en garde contre le risque de confiscation des acquis de la lutte pour l’indépendance et avait dénoncé ceux qui, sous la peau noire, portaient un masque blanc. Mais la réalité dépassa ses pires cauchemars. Les élites qui s’étaient réclamé du ’’socialisme scientifique’’ ou ’’de la révolution nationale et démocratique’’ de l’Ethiopie à l’Angola, en passant par la Guinée et le Congo Brazzaville, se reclassèrent, sans état d’âmes, aux côtés de l’ordre libéral, pour le servir. Partout se créent de nouvelles classes aussi rapaces, parfois, que les anciens colons. Abdoulaye Wade est l’exemple le plus achevé de la faillite des élites africaines. Telle est la nature du régime actuel qui ne fait que perpétuer, en aggravant leurs dérives, les régimes précédents.

II- LE DEPART DE WADE : UNE EXIGENCE NATIONALE :

N'est- il pas temps de « refonder » l'Etat sur de nouvelles valeurs en répondant aux questions suivantes : comment  transformer la société dans laquelle nous vivons, conformément aux conditions du Sénégal et compte tenu des caractéristiques de notre époque? Pour quels objectifs? Qui doit s'unir et comment ?

 

Hillary Clinton, Secrétaire d’Etat américaine de dire devant l’Union Africaine, le 13 Juin 2011 : « Ce que nous voyons éclore dans les pays arabes a déjà pris racine dans les pays africains. Le message est clair ; le statut quo c’est fini. Les vieilles façons de gouverner ne sont plus acceptables. Il est temps pour les Chefs de rendre des comptes, de traiter les peuples avec dignité, de respecter leurs droits et d’obtenir des résultats économiques. S’ils ne le font pas, il est temps pour eux de partir».

Abdoulaye Wade ne le fera pas. Ainsi pour les Sénégalais, il est temps qu’Abdoulaye Wade parte, s’il y a des sénégalais qui aiment Abdoulaye Wade, le meilleur conseil qu’ils puissent lui donner c’est de lui dire de partir. Et les vrais amis de Ben Ali et de Hosni Moubarak, sont ceux qui leur ont conseillé de partir à temps. Dans la solitude de leur résidence surveillée, en attendant la prison, ils savent maintenant qui étaient leurs vrais amis. Ceux qui disent à Abdoulaye Wade « Na deem », ce n’est pas par haine ou par méchanceté. C’est l’intérêt supérieur de la Nation qui l’exige. Je l’ai déjà dit et ne le répéterai jamais assez :

« Na deem », pour nous permettre de bâtir une nouvelle société, au bonheur partagé et à la saveur humaine retrouvée, une société républicaine, réellement démocratique et souveraine, dans une Afrique solidaire, intégrée et ouverte.

« Na deem », pour un Sénégal régi par une gouvernance fondée sur l'éthique, l'enracinement dans les valeurs morales, la démocratie participative, la concertation, le respect des institutions, des libertés individuelles et collectives.  « Na deem » pour nous permettre d'appliquer les conclusions des Assises Nationales.

« Na deem », parce que nous sommes déterminés à ne plus « subir », à nous regrouper, maintenant plus que jamais, à prendre parti. Nous le devons à notre peuple ; c'est la finalité de notre existence sur terre, comme nous l'enseignent le Coran et la Bible qui nous rappellent que la foi n'est ni évasion, ni fuite des réalités, mais engagement dans ce monde qu'il convient de rendre, à chaque instant, plus humain, plus juste, plus fraternel et donc plus divin.

Le Sénégal n’est plus que l’ombre gigantesque de lui-même et l’avenir du pays est écrit en pointillés. Il va falloir créer une confiance nouvelle dans les institutions, dont la légalité est anéantie par Wade, et réapprendre ce qu’est la démocratie. Tout le pays est à sa merci et à celle de son épouse, de son fils et de son système : les ministres, les députés, les magistrats, les directeurs de sociétés, d’écoles, d’hôpitaux, les hommes d’affaires, les chefs religieux. Il s’y ajoute que, chaque jour, la presse révèle de nouveaux scandales : immobilier, financier, foncier, tourbillon sans fin, sur un fond de népotisme ignoble.

On connait le sort de ses homologues en Tunisie et en Egypte : assignés à résidence ou à l’exil forcé, leurs avoirs gelés. Abdoulaye Wade ne semble pas en tirer les leçons. Il n’a surtout pas voulu écouter ce message éternel que Serigne Abdou Aziz Dabakh a laissé comme testament au peuple sénégalais tout entier.

L’idée géniale de média de rediffuser le discours de Serigne Abdou Aziz  a été ressenti comme un prêche d’outre tombe où le Saint homme s’invite dans le débat actuel.

En effet, l’ombre tutélaire de Serigne  Abdou a plané sur toute la journée du 23 Juin et la veille, à travers ce discours prononcé en 1992, parce que d’une actualité et d’une pertinence touchantes. Chaque sénégalais, en se réveillant le 23 Juin, s’est senti interpelé : Gouvernement, députés, magistrats, guides religieux, population toutes obédiences confondues. J’ai regardé le discours à la télé avant de partir à la manifestation. Alors que, partout, les voix de sirène me conseillaient de rester chez moi, j’ai senti ce jour là, dans l’esprit et la lettre des propos de Serigne Abdou que la place des guides religieux était à côté du peuple, par la présence physique, les conseils ou les prières.

C’est pourquoi nous saluons l’attitude courageuse de son Eminence le Cardinal Adrien Théodore Sarr, qui, dans un message, sans équivoque, a demandé à Wade de retirer son projet. C’est cette posture responsable que la hiérarchie catholique occupe d’une manière constante dans plusieurs domaines qui intéressent le peuple sénégalais devrait inspirer, à mon humble avis, les hiérarchies confrériques, sans les détourner, des fonctions de prière qu’ils disent pour la paix au Sénégal.

 

III- AU SENEGAL AUSSI, LA PEUR A DISPARU :

On se plait, souvent, dans les débats de salon, à la radio et à la télévision ou dans les conférences, à fustiger la passivité du peuple et sa propension à tout accepter ; le silence des intellectuels ou la « trahison des clercs ». Le dégout pour la société accompagne, toujours, la haine du système.

Les manifestations du Jeudi ont montré que tout est, désormais, possible. Une chose a changé, probablement, pour longtemps. La peur a disparu. "La prison mentale est ouverte". Trois siècles de servitude et de soumission au pouvoir colonial et post colonial, et pour la première fois, une vraie mobilisation populaire, dans une diversité féconde, rassemblant toutes les forces vives de la Nation.

L’incompétence politique de Wade a permis d’accélérer les conditions de rassemblement de l’opposition. Nous ne nous rassemblons pas pour une révolution ; mais pour une rupture. Il convient d’en connaître les limites et d’identifier les forces capables de la porter. Les forces rassemblées dans le cadre du mouvement « Touche pas à ma Constitution », aujourd’hui appelé ‘‘mouvement du 23 Juin’’ en sont la matrice organisationnelle.

Nombreux sont les Sénégalais qui sont prêts à en découdre avec le régime actuel et contribuer à la lutte pour la satisfaction de leurs aspirations à la démocratie, la justice sociale, la paix civile, la cohésion nationale et la sécurité. Parmi ces Sénégalais, certains militent dans différents partis d'opposition ; mais l'écrasante majorité ne se reconnait pas encore dans ces aspirations ; d’autres, qui jadis ont passionnément milité, sont devenus sceptiques quant à la capacité de l'opposition de changer réellement les choses, mais ont gardé intact leurs idéaux de jeunesse. Ils sont dans les regroupements du vendredi après-midi, les tours de thé, dans la société civile, les dahiras ou les organisations catholiques, les clubs sportifs, les clubs de belote du samedi soir, les ONG ou tranquillement assis chez eux, attendant l'émergence d'une structure crédible capable de les mobiliser. Aujourd'hui ils commencent tous à sortir dans la rue.

IV- LES FORCES DE LA RUPTURE :

Il convient de se rendre à l’évidence que « l’opposition » est constituée de partis, de cadres et de « leaders » qui ont joué un rôle déterminant pour l’avènement de la démocratie moderne au Sénégal. Mais cette opposition ne se réduit pas à cela ; elle s’exprime aussi dans des actes individuels et des actions collectives à travers des identités sociales fortement différenciées. Elle s’incarne dans la presse et les techniques de l’information. L’attitude courageuse et constante d’Abdou Latif Coulibaly depuis l’alternance en est l’illustration la plus éloquente. Cette opposition est donc faite d’expériences, de mémoires, de militants, d’intellectuels, d’indépendants, mais surtout de jeunes dont le mouvement ‘Y’en a marre’. Le mouvement « Touche pas à ma Constitution », initié par la Raddho, en est une illustration concrète parce qu’il a réussi une mobilisation sans précédent.

L’idée de ‘’large rassemblement à construire’’ part de ces considérations, en prenant pleinement en compte la gravité de la crise nationale actuelle et les conséquences désastreuses qui pourraient en résulter.

Reste un facteur qui en surdétermine bien d’autres et se résume ainsi : est-ce que les forces sociales qui aspirent au changement sont organisées et capables de s’entendre sur cet objectif et pour combien de temps ?

L’espoir est permis après la victoire du 23 Juin. En effet, au détour de cette interrogation légitime sur l’unité d’action, on retrouve une question souvent posée et qui commence à trouver une solution : comment faire porter, par les masses sénégalaises, les idéaux de progrès contenus dans les conclusions des Assises Nationales qui nous projettent vers de nouveaux défis, comme elles se sont appropriées le rejet du Projet de loi visant a changer la Constitution?

Il faut rassembler toutes les forces capables de faire partir Wade et faire échouer ses projets funestes. Son Projet de loi est défait. Mais, il faut qu’il retire tous ses Décrets concernant les découpages administratifs que les populations de Mbane et de Sangalkam ont rejetés avec force. Un tel rassemblement crée, dans la lutte, les bases de l’unité comme nous l’enseigne Cabral. «L’unité est un combat. Mais elle se forge dans la lutte et se renforce dans la lutte». Cette belle unité, que le peuple appelle de tous ses vœux et qui s’est réalisée a l’assemblée constitutive du mouvement « Touche pas à ma Constitution », s’est illustrée dans les initiatives retenues dans le plan d’action, parmi lesquelles le rassemblement devant l’Assemblée Nationale pour arrêter la dérive impudique de l’Exécutif et du Législatif.

A voir, à la Place Soweto, briller la fierté et la dignité dans les yeux crédules de cette belle jeunesse, et à observer  toutes ces femmes et tous ces hommes, jeunes et vieux, riches et pauvres, urbains et  ruraux déterminées à se battre jusqu’aux derniers retranchements, on demeure convaincu que le Benno (l’unité) est nécessaire. Il est aujourd'hui possible.

La présence massive de tous ceux qui veulent en découdre avec le régime, à l’instar des manifestants de la Tunisie et de l’Egypte, est le seul gage de succès pour qu’Abdoulaye Wade, enfin, dégage le plancher.

Parmi les forces vives de la Nation qui peuvent apporter les transformations sociales, le mouvement syndical doit occuper une place centrale. La participation de ce mouvement à l’étape actuelle de la lutte du peuple sénégalais est la seule condition de succès et la garantie la plus sure que les promesses faites par le Gouvernement post Alternance ne seront pas dévoyées, comme après le 19 Mars 2000.

Personnellement, je ne crois à aucune possibilité de changement dans ce pays sans l’implication des syndicats ; implication d’autant plus importante que le mouvement du 23 Juin a été initié par une organisation de la société civile, la RADDHO. La lutte réelle se mène dans les lieux de production de la richesse, dans les entreprises mais aussi dans les secteurs de l’éducation et de la santé où la lutte syndicale a joue un rôle historique dans l’évolution du mouvement démocratique.

A cet égard, nous saluons la présence massive du mouvement étudiant le 23 Juin à travers les différents démembrements de ceux de ‘‘Benno’’ (PIT, LD, LDMPT, RND, PS, AFP, Yoonu  askanwi..), ceux de la cellule de l’UCAD ‘‘Bes du niakk’’ et du Dahira des étudiants et élèves Seydi Djamil (DESS) pour ne citer que ceux-là. Ce qui traduit un regain de vigueur de ce mouvement qui a écrit les plus belles pages de la lutte du peuple sénégalais pour son émancipation.

Les 1.500.000 jeunes qui ont atteint la majorité et qui peuvent participer aux élections de 2012, avaient 7 ans à l’avènement de l’Alternance. Ils ont subi de plein fouet la politique néfaste de Abdoulaye Wade dans le domaine scolaire, de la protection sociale et de la santé. Premières victimes, ils ont intérêt, plus que toute autre catégorie, au départ d’Abdoulaye Wade. Le régime le sait si bien qu’il fait tout pour les empêcher de s’inscrire sur les listes électorales. Leur lutte, dans ce domaine, sera décisive pour les échéances de 2012. La jeunesse de ‘‘Bes du niakk’’, de ‘‘Benno’’ et le mouvement ‘‘Y en a marre’’ en ont conscience. Ils y engagent toutes leurs forces. Mais, après le 23 Juin et les évènements qui ont suivi, tout devient possible. Nous pouvons assister à une accélération de l’histoire qui pourrait conduire au départ d’Abdoulaye Wade. Il faut s’y préparer.  

V- APRES BEN ALI ET MOUBARAK …

Quand un soir du 11 Février 2011, la maison Moubarak chute, malgré les élections législatives remportées à 93%, ‘‘la presse égyptienne, à coup de confidences, écrit la légende. Un quotidien Cairote Al Akhbar rapporte une dispute homérique être les deux fils du Rais (Gamal et Alaa), derrière les murs de la Résidence présidentielle : « Tu as corrompu le pays quand tu as ouvert la porte à tes copains businessmen ; alors que notre père aurait dû être honoré à la fin de sa vie. Tu as souillé son image », hurle Alaa’’.

Un autre journal rapporte que ‘Suzanne Moubarak s’évanouit, horrifiée par la querelle. Et Hosni Moubarak se retourne vers Gamal (l’ancien héritier, frère de Alaa) : « Ta mère et toi, vous êtes responsables de tout cela. Vous avez détruit mon image devant l’histoire. »

Que Dieu, dans sa Grâce Infinie, nous fasse tous témoins vivants, avant le 11 Février 2012, de la chute inéluctable de la « Maison Wade, Madame et enfants ». Les mêmes causes, produisant les mêmes effets, on s’imagine tout à fait Sindiély hurlant sur Karim et Madame Wade s’évanouir, horrifiée par la dispute, et Abdoulaye Wade se tournant vers Karim et dire : « Ta mère et toi êtes responsables de tout cela. Vous avez terni mon image devant l’histoire ». A cette différence près, que dans le cas du Sénégal, c’est Abdoulaye Wade qui a terni sa propre image, et ce faisant, a abimé l’image du Sénégal à travers le monde.

Félicitations à toutes les forces vives et surtout à la jeunesse, celle de ‘‘Bes du Niakk’’, de ‘‘Benno’’ et de ‘‘Y’en a marre’’, et a la presse, pour cette belle victoire qui illustre les propos de Michel Foucault : « Le mouvement par lequel un homme seul, un groupe, une minorité ou un peuple tout entier dit : « Je n’obéis plus » et jette à la face d’un pouvoir, qu’il estime injuste, le risque de sa vie. Ce mouvement me parait irréductible. Parce qu’aucun pouvoir n’est capable de le rendre absolument impossible. Et parce que l’homme qui se lève est, finalement, sans explication. Il faut un arrachement qui interrompt le fil de l’histoire et ses longues chaines de raisons pour qu’un homme puisse, réellement, préférer le risque de la mort à la certitude d’avoir à obéir ».

Bel exemple de solidarité avec le peuple, il convient de souligner - on ne l’a pas assez fait - l’assistance inestimable apportée par les riverains de la  place Soweto, en particulier, le doyen Ousmane Diagne. Il a ouvert, généreusement, sa maison et permis aux acteurs de venir reprendre des forces pour continuer le sitting. Il a reçu avec sa famille, les jeunes de « Y’en a marre », des leaders politiques tels que : Macky Sall, la société civile, des directeurs de chaines de télévision, tels que : Sidy Lamine Niass. Tous les journalistes présents sur la place ont, à un moment ou un autre, visité cette maison bénie. Personnellement, ils m’ont donné assistance quand les forces de l’ordre se sont acharnées sur moi et sur Aliou Diack, mais arrêtés par ma garde rapprochée qui a livré une bataille héroïque contre la soldatesque de Abdoulaye Wade. Ces forces de l’ordre ne m’ont pas touché contrairement à ce qui a été diffusé. Mais, ils ont blessé beaucoup de jeunes de mon entourage. Tonton Ousmane, mobilisant toute sa famille, enfants, petits enfants, épouse, a largement contribué à la réussite du 23 Juin. Mille fois merci.

‘Bes du niakk’, le mouvement citoyen pour la refondation nationale, quant à lui, a été massivement présent et a testé sa capacité de mobilisation à travers ses cellules dans Dakar, les Régions et la Diaspora, grâce à Facebook. Il a réussi ce test. La mobilisation a été totale, jeune, militante, combative, téméraire. ‘Bes du niakk’ tirera toutes les leçons de cette cuisante débâcle d’un régime qui détient une écrasante majorité au Parlement, une légitimité achetée, mais défait par le vrai pouvoir, celui du peuple, celui de la rue. Montesquieu disait : « Il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir ». Le pouvoir du peuple a arrêté celui des mal élus, des injustes et des corrompus. La « disposition des choses », dont il s’agit ici, a été le patient et exténuant travail d’éveil politique qui a été nécessaire pour rompre avec les anciennes pratiques du clientélisme fondé sur l’argent ou la religion. Cette rébellion, sans précédent, ouvre devant Abdoulaye Wade un grand boulevard pour qu’il parte. Il faudra entretenir dans tous les domaines l’esprit du 23 Juin ou l’esprit de la place prémonitoire de Soweto.

Si Abdoulaye Wade était De Gaulle ou Senghor, il aurait démissionné. Mais, comme il n’est ni De Gaulle, ni Senghor, il va s’accrocher au pouvoir de manière névrotique, sans crédibilité et sans autorité aucune.

Quant à la situation, à l’intérieur du PDS, après ce sérieux revers, bonjour les dégâts !

Quand l’essentiel est en danger, s’opposer est un devoir. L’essentiel, c’était la Constitution. Elle était en danger, on s’est opposé, on a gagné. Bravo ! Mais, attention ! La victoire est fragile, il faut la renforcer par d’autres luttes et  répondre aux attentes d’une population pour qui les questions socio-économiques ont la primauté sur tout le reste. La lutte doit continuer contre les délestages et la cherté de la vie, la corruption, l’arbitraire des découpages administratifs, etc. Abdoulaye Wade doit partir, maintenant. Mais cela ne sera pas facile.

Le Régime de Abdoulaye Wade s'accrochera par tous les moyens à sa disposition. Il sait qu'il n'a plus de légimité. Discrédité au niveau international, lâché par la France, l'Union Européenne et les Etats-Unis, Abdoulaye Wade sait qu'il n'a plus nulle part où aller. Les propos du Ministre des Affaires étrangères français, Alain Juppé, devant l’Assemblée Nationale en sont une confirmation. La peur panique qui a poussé Karim Wade à faire appel à l’armée française, appel confirmé par Monsieur Bourgi, montre réellement que le pouvoir est aux abois. Cet acte donne toute la mesure de l’inculture, de l’immaturité et de l’irresponsabilité de Karim Wade, qui se trouve, aujourd’hui, par ignorance dans une situation de haute trahison. Non seulement il doit quitter le Gouvernement, mais le Procureur de la République doit s’autosaisir pour ce cas unique dans l’histoire du Sénégal. Il a, par ce comportement, insulté le peuple sénégalais, ses institutions, l’armée, la gendarmerie et la police nationale. Il a montré le mépris dans lequel il tient le Sénégal. Cette situation d’affolement au plus haut sommet de l’Etat nous rappelle le cas de la Libye et de la Syrie. Ironie du sort, l'injonction qu'il adressait à Kadhafi "Plus tôt tu partiras, mieux ce sera pour la Libye". Le peuple sénégalais le lui a éloquemment retourné le 23 Juin dernier. Mais obstiné qu'il est, il aura recours à la répression et à la brutalité, comme il l'a fait à la place Soweto et à Sangalkam. Il faudra lui opposer une autre violence. Celle des jeunes de la Médina, de Colobane, de Fass, de la Gueule Tapée, de Grand-Dakar, de Niary Tally, de Rebeuss, du Plateau, des Banlieues, des Régions du pays. Cette violence ne sera pas arrêtée par la brutalité répressive du Régime. Elle est saine et salutaire, portée par une jeunesse qui se demande, étonnée, comment leurs parents et leurs ainés ont accepté, si longtemps, avec une honteuse résignation, les dérives de Abdoulaye Wade sans réagir. C'est une violence fondatrice et créative.

On ne réfléchira jamais assez sur l'acte sacrificiel et christique de Bou Aziz, ce jeune tunisien de 25 ans qui s’est immolé, acte fondateur; l'étincelle qui a déclenché la révolution partout dans le Moyen-Orient. Une violence sur lui- même, mais une violence qui libère tous les autres.

Ces jeunes ont ceci d'exceptionnel : ils n'ont pas peur. Ils apportent la fraicheur de leur génération, un bain de jouvence à portée universelle. En Syrie, des adolescents ont trainé dans la boue le régime de Bachar Assad. Ils ont été arrêtés et torturés ; mais le lendemain d'autres jeunes ont pris la relève. L'exemple que donne cette génération bénie, se manifeste partout. C'est une expérience à la fois différente - la jeunesse sénégalaise n'est pas celle de la Tunisie et de l'Egypte – et identique. Les situations coïncident singulièrement. Elles ont en commun les mêmes exigences, les mêmes priorités, les mêmes ambitions. Cela surprend les régimes qui n'ont rien compris. Ils apprennent à leurs dépends "que cette révolte n'est pas négociable et que plus rien ne l'arrêtera. C'est cela qui est nouveau et historique", comme l'analyse avec pertinence Tahar Ben Jelloun, ce monument de la littérature universelle, dans son dernier livre ‘L'étincelle’, qu'il consacre à la révolte dans les pays arabes.

Au Sénégal également le départ d’Abdoulaye Wade n'est pas négociable. Ce n'est plus un débat académique entre élites. C'est devenu une exigence du peuple. Tahar Ben Jelloun d'ajouter : "Ce que ces révoltes donneront dans l'avenir est encore incertain. Il y aura des erreurs, des tâtonnements, peut-être des injustices ; mais ce qui est sûr c'est que plus jamais un dictateur ne pourra fouler aux pieds la dignité de l'homme arabe. Ces résultats nous apprennent une chose simple qui a été tellement bien dite par les poètes : face à l'humiliation, tôt ou tard, l'homme refuse de vivre à genoux, réclame, au péril de sa vie, la liberté et la dignité. Cette vérité est universelle".

«Quand le Gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est, pour le peuple, le plus sacré et le plus indispensable des devoirs ». Ces mots de Maximilien Robespierre nous rappellent notre devoir.

 Il est réconfortant de constater que c'est l'Afrique, au Nord avec la Tunisie et l'Egypte et à l'Ouest avec le Sénégal, qui le rappelle, avec tant de clarté et de pertinence, au monde entier en ces printemps et été 2011.

Serigne Mansour Sy Djamil

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